Comment, en tant que dirigeant, manager ou leader, mesurer le juste effort, le juste investissement en temps pour traduire la réflexion en action ? Pour cela, il faut déjà comprendre la mécanique de la performance et se rendre à l’évidence : l’équilibre ne dure pas, c’est un état instable et il faudra en permanence le rétablir.
De cette quête de performance, quels en sont les fondamentaux ?
Pour qu’une entreprise soit performante, qu’elle que soit sa taille, ses dirigeants doivent avoir le goût du risque et de la contradiction.
On devient entrepreneur quand on décide de prendre le risque de créer… On devient un bon dirigeant quand on décide d’investir pour faire mieux et/ou différemment. On devient un Patron quand on accepte d’être challengé et contredit.
Et enfin, on devient un vrai manager quand on décide de rendre son entreprise robuste en donnant à ses équipes les justes moyens pour assumer les risques qu’on prend…
Quand on décide d’agir, il y a 3 éléments clefs à prendre en compte pour atteindre la performance :
Alors… Avant de continuer, il faut traiter un point qui risque d’en gêner certains…
En lisant ce schéma sur les vecteurs de performance, certains se disent déjà : « Et les outils alors ? A l’époque de la digitalisation, ils sont où ? Ils contribuent à la performance tout de même… »
Oui, ils y contribuent, mais pour faire le bon choix d’outils encore il faut que les fondamentaux de la performance soient assimilés et maitrisés. Sinon, les outils risquent de constituer un carcan dans lequel la créativité et l’esprit d’initiative pourrirons. Qui plus est, mal choisis, sur ou sous dimensionnés par rapport au besoin, ils peuvent représenter un investissement très couteux sans réel ROI…
Pour clôturer, dès le début, le sujet des outils (digitaux ou pas) prenons une allégorie simpliste :
- Si je pose un marteau sur une table dans une pièce vide et que j’y fais entrer un enfant de 2 ans et demi 3 ans que va-t-il se passer ? Si je n’ai pas utilisé l’outil devant lui avant, il va prendre le marteau et, emporté par le poids de la tête métallique, il va naturellement se mettre à mordre le manche pour découvrir l’objet comme il mordrait un jouet mis à sa disposition. C’est son référentiel d’apprentissage.
- Si dans cette même pièce, avec ce même marteau posé sur la table, je décide de faire entrer une personne énervée avec des tendances agressives sans lui avoir donner de consigne, comment va-t-elle réagir ? Elle va certainement saisir l’outil, regarder autour d’elle et se défouler en démolissant ce qui peut l’être. Il faudra éviter de rester dans la pièce avec elle car le marteau pourrait alors devenir une arme…
- En revanche, si j’y fais entrer quelqu’un à qui j’ai expliqué que l’outil qui est sur la table peut blesser, en lui donnant comme simple consigne qu’il doit s’en servir pour construire l’armoire de son choix, que se passera-t-il ? Il y a de grandes chances qu’il ne touche même pas au marteau et qu’il ressorte de la pièce… En effet, la personne ira sans doute d’abord chercher un schéma d’ensemble (ou un papier et un crayon pour faire une esquisse), du bois (planche ou bois précieux) et des éléments d’assemblage (colle et clous par exemple). En gros, tout ce qui permettra au marteau d’être réellement utile et performant en remplissant sa fonction d’outil.
L’outil est donc annexe car pour être pleinement utile il faut acculturer les utilisateurs, donner du sens, prévenir des risques et faire confiance…
Mais revenons à nos 3 piliers :
Risque
Si on ne veut pas prendre de risques, ou les maitriser complètement, il suffit de ne rien faire. Vous ne vous crasherez jamais en avion s’il reste au sol… Pour bouger, changer de position, il faut prendre des risques. Dans une entreprise, quand on se met dans une démarche de changement en quête de performance, il faut accepter le risque. Il faut même avoir une appétence au risque.
S’il la prise de risque n’est pas mesurée, ou qu’il y a aucune démarche engagée pour la maitriser, ça s’appelle de l’inconscience. Il vaut alors mieux prendre des risques seuls et laisser les autres tranquilles, ça fera moins de dégâts… En revanche, si le risque est pris comme un réel vecteur de performance, qu’il est expliqué et partagé, il y a de fortes chances que la performance soit bien initiée et soutenue.
Tout le monde connait la phrase : « Ils ne savaient pas que c’était impossible alors ils l’ont fait ». Et si on était plus terre à terre et qu’on disait : « Oui, c’est difficile, oui, ça va nous demander beaucoup de remise en question mais même si c’est risqué ça a du sens de le faire… ». Et, au final : « Il y a plus de risques à ne pas en prendre qu’à les prendre en plein conscience ».
Pour performer, il faut oser et cette culture de la prise de risque est bénéfique. Dans une entreprise, à tous les nouveaux, on peut oser. On peut toujours faire différemment sans faire sa révolution ou sans entrer en opposition. Il faut encourager ça. Il faut que chacun se sente le droit à une forme de désobéissance saine.
C’est ce qu’Aristote appelait la phronesis ou le « practical wisdom » en anglais : cette sagesse ou intelligence pratique qui permet de sortir du cadre, de ce qui est normé ou « sûr », pour prendre un risque.
Cultiver cette saine désobéissance au « dogme » au sein de son entreprise et sans nul doute un vecteur de performance. Un collaborateur qui sait qu’il a le droit de chuter, chutera à coup sûr plus souvent que celui qui reste assis. Mais ne génèrera-t-il pas beaucoup plus d’énergie créatrice de performance que celui qui est touché par le syndrome de Bartleby ?…
La prise de risque engendre l’action et l’action engendre le mouvement. On ne peut faire que bien quand on bouge. Les points de vue changent, l’ordre des choses est remis en perspective et l’évolution est toujours au rendez-vous. On découvre et on s’enrichie de nouvelles expériences. Prendre le risque, c’est prendre une forte impulsion vers la performance…
Sens
Avant de nous pencher sur le sens débarrassons nous d’un concept qui risque de nous induire en erreur : le bonheur en entreprise… Qu’on soit bien d’accord, le sens, ce n’est pas de faire de l’entreprise le temple de l’épanouissement personnel.
Une entreprise doit mettre à disposition de son collaborateur les moyens d’être performant. C’est en étant performant qu’il sera heureux au travail pas l’inverse. Quant au bonheur personnel d’un collaborateur, il faut espérer qu’il ne repose pas que sur son bonheur professionnel… L’entreprise doit contribuer à l’épanouissement professionnel mais le collaborateur est le seul architecte de son bonheur personnel. Tous ceux qui tenterons de lui faire croire le contraire au sein de l’entreprise doivent être fuis… Ce ne sont pas les baby-foot, les plantes vertes, l’ostéopathe qui vient mensuellement ou le café « Fairtrade » avec mouture recyclé qui vont rendre heureux et performant le collaborateur. Les Chefs Happyness Officers dopés à la QVT ne feront pas non plus son bonheur pérenne.
Le premier engagement que doit prendre une entreprise pour que ses collaborateurs soient performants, et donc heureux dans leur travail, c’est de donner du sens à ce qu’ils font. Tout le monde accepte de faire des tâches en dessous de leurs capacités et on peut le faire sur une durée parfois longue si on comprend que ça a du sens. Tout le monde peut faire des efforts pour accompagner la performance de son entreprise mais il faut que ça ait du sens.
Le sens doit guider l’action. Dans un univers de mondialisation, où les entreprises doivent en permanence se reconfigurer, le fil d’Ariane, le langage commun, c’est le sens. Quand on doute, quand la situation que l’on vit nous parait pénible, tout s’éclaircit et devient plus supportable si ça a du sens.
Mais donner du sens n’est pas si simple. Le sens doit être décliné à tous les niveaux. Il doit permettre à chacun de comprendre la finalité d’une action et comment elle s’inscrit dans une démarche plus globale. Si je parle du sens de la vie, il est difficile de trouver dans son référentiel ce que s’y rattache. Le système entreprise est un système complexe. Un collaborateur, investi et pris par sa fonction ne peut pas appréhender toute la complexité du système dans son ensemble. L’entreprise doit donc lui expliquer pourquoi son rôle est important, et comment ses actions, ses prises d’initiatives et la manière dont il va interagir dans cet ensemble va servir une initiative plus globale. Il y a des postes dits d’exécution qui sont occupés par des personnes très investies pour l’entreprise. Il faut leur faire prendre conscience qu’ils font partie d’une chaîne de valeur pour qu’ils trouvent du sens à ce qu’ils font. C’est le rôle du management.
Confiance
Autoriser la prise de risque, gérer l’incertitude dans l’action, c’est déjà mettre en pied dans le domaine de la confiance mais ça ne suffit pas : il faut autoriser l’échec, voire même l’encourager et savoir parfois lâcher prise sur la performance pour l’atteindre vraiment.
“Cela ne fait aucun sens d’embaucher des gens intelligents puis de leur dire ce qu’ils doivent faire. Nous enrôlons des gens intelligents afin qu’ils nous disent ce que nous devons faire“ (Steve Jobs).
Il n’y a pas mieux pour donner confiance que de dire : « Fais… Tu seras meilleur que moi et si tu n’y arrives pas, on aura appris ensemble de cette erreur ». Est-ce qu’on perd du temps à se tromper ? Oui, si on est persuadé qu’on aurait pu faire top du premier coup… Mais si on se trompe et qu’on réessaie. Sommes-nous certains qu’on n’a pas fait encore mieux après s’être nourrit d’un premier échec ? Autrement dit : Le résultat après échec n’est-il pas finalement meilleur que celui du « coup d’essai, coup de maitre » ? On ne le saura jamais, pour autant on peut penser que l’échec aura enrichi la réflexion et renforcé la volonté de réussir.
Il faut faire donc confiance, au plus grand nombre, mais il faut vraiment faire confiance… Faire confiance à quelqu’un de fiable, qui a déjà éprouvé ses capacités dans tel ou tel contexte, ce n’est pas faire confiance. Faire confiance c’est prendre un risque (tiens, il est encore là lui…) . Une entreprise qui embauche des winners à « potentiel » qui ont déjà démontrés leurs capacités à faire n’est pas une entreprise qui fait confiance. Viser la performance, c’est recruter de réel potentiels, capables de faire ce qu’ils n’ont jamais fait. Capables de se relever parce qu’on va leur demander de prendre le risque de tomber. Parce qu’on leur aura fait confiance, parce qu’ils auront fait confiance eux-aussi, des nouveaux points de vue, des nouvelles solutions vont émerger pour servir la performance.
La puissance de la confiance est révélée quand ont fait confiance à quelqu’un qui n’a pas encore prouvé sa fiabilité. On va alors enclencher une spirale vertueuse qui va générer de la loyauté. On va libérer de l’énergie créative, de l’envie de se dépasser et générer un comportement digne de confiance. Faire confiance ne doit pas être une conséquence. Il faut la voir comme une condition à la performance : « Mon entreprise m’a fait confiance, j’ai envie de lui montrer qu’il a eu raison de le faire » – « Ok, on traverse une période difficile et mon entreprise me demande de faire un effort ? Pas de soucis. J’ai confiance, je sais que c’est juste et que ça a du sens ».
Faire confiance par défaut, c’est accepter l’incertitude, c’est accepter la défaillance et donc c’est prendre un risque. Et comme le risque est LA condition de la performance…
Voilà, on a évoqué les 3 piliers de la performance. On l’a vue dans le schéma précédent que tout est question d’équilibre entre ces 3 fondamentaux.
Et bien, il en est de même pour la dualité entre la réflexion et l’action. La vraie question est : Ok, comment on fait au quotidien ? Comment on incarne ces fondamentaux et comment on gère cet équilibre ?
Mais changeons de ton. Soyons plus direct puisque l’on parle d’action.
On pourrait philosopher pendant des années, mais la réponse est dans la question… Incarner, c’est donner une existence concrète à une valeur abstraite ou représenter un concept comme s’il était de chair. Alors faisons le… Aucun outil, aucune méthode n’incarnera tout ça. Il faut un bon casting. Un bon casting et une valeur primordiale qui doit être commune : la capacité à se remettre en question.
La « remise en question » parce qu’on est trop souvent confronté à des situations ou tout doit changer mais pas trop… Ou « ça marche pas » parce qu’« ils ne comprennent rien ». Ou alors parce qu’il faut aller vite et qu’on est pris par le timing sans vouloir consacrer au changement le temps nécessaire…
Si on décide de changer, c’est qu’il y a un besoin de performer différemment. Ça veut dire qu’une étape a été franchie et qu’il faut faire différemment, il faut changer. Pour changer, il faut prendre un risque et donc accepter une part plus ou moins importante d’incertitude. Il faut lâcher prise et accepter d’avoir peur. Par peur de s’entendre dire par le consultant externe ou par son bras droit : « Je crois que c’est toi qui as généré cette situation… ». Peur de s’apercevoir que d’autres font mieux que nous et qu’il faut passer la main pour faire quelque chose d’autre qui a plus de sens.
Le chef d’entreprise, je suis responsable du manque de performance. Pas parce que dans les meurs professionnels français le chef est toujours responsable, simplement parce que je suis l’architecte de mon entreprise et que je fixe les orientations, les changements et les moyens alloués. Parfois, j’ai eu peur et je n’ai pas pris le risque. Parfois, sous couvert de responsabiliser mes collaborateurs, je n’ai pas assez bordé les risques, j’ai donné un cadre trop large. Parfois, par envie d’aller vite, et par peur de perdre, je n’ai pas laissé assez de temps pour faire…. En une phrase violente : « Le poisson commence toujours à puer par la tête ». Si cette phrase vous choque, le chemin vers la capacité à se remettre en question risque de comporter encore quelques pavés devant vous…
Si vous avez souris et que quelques anecdotes vous sont venues à l’esprit vous avez déjà rempli une des deux conditions pour performer.
Parlons du casting… Quoi de mieux qu’un homme ou une femme pour incarner un changement ? Que dis-je ! Quoi de mieux que des hommes et des femmes pour porter ce changement ?!
A toute bataille, il faut un héros. A toute aventure onirique, il faut un héros. Dans toutes équipes sportives, il faut un capitaine. Est-il forcément le plus beau, le plus fort ou le plus exemplaire ?… Dans la mythologie oui mais dans notre vie de tous les jours ? Et faut-il vraiment qu’un héros quand la quête est complexe ?
Dans la trilogie du seigneur des anneaux, qui est le héros ? Frodon qui se débarrasse finalement de l’anneau ? Gandalf qui réunit la communauté ? Aragorn qui sauve tout le monde en levant une armée de mort-vivant ? Tous peut-être ?
Oui, tous je pense… Ils ne font qu’incarner chacun une valeur qui vient servir une cause plus grande charger de sens : « Vaincre face à une menace ».
Si dans votre casting, vous arrivez à trouver la personne qui incarne tout, il y a deux solutions : Soit il n’y avait pas grand-chose à incarner et donc à changer, soit vous avez mis la main sur un être suprême qu’il faut absolument cloner.
Plus sérieusement, il faut recruter des collaborateurs « key people » qui incarneront ce changement et qui seront en capacité de montrer la direction vers la performance.
Alors une fois que j’ai dit ça, je n’ai finalement rien dit mais si je vais plus loin je dirai certainement des bêtises car la réalité de l’un n’est pas celle de l’autre… Mais sachez que LA solution n’existe pas, il n’y a que la solution qui convient à votre quête de performance…